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Textes marraines

« La violence : acte violent. Qui est violent, agit ou s’exprime sans retenue, avec intensité et brutalité. La violence est l’utilisation de la force et/ou de son pouvoir pour forcer, contraindre, dominer, tuer ou détruire. »

 

Alors qu’on m’offre une tribune pour parler de la violence faite aux femmes, je repense à ceux qui, avec leurs mots, leurs actes et parfois même leurs coups perdus, m’ont fait mal. Et pour cause, dans le sens littéral du terme, je suis une victime de violences et pourtant je n’arrive pas à me qualifier en tant que telle. J’y repense et me voilà de nouveau encombrée d’un amas de colère et de tristesse.

 

J’ai reçu des mots et j’ai encaissé des coups. J’ai été dominée, manipulée. Aujourd’hui et pour toujours je suis un peu abîmée, cabossée c’est sûr, et je n’arrive plus à me séparer de mon armure. Grâce à mon instinct, j’ai toujours réussi à me relever et même à me sentir plus forte mais je panse encore certaines de mes blessures.

 

La violence est un refuge d’incompétences qui peut facilement détruire. Pour ma part, soit j’ai pardonné soit j’ai oublié. Je préfère soutenir toutes ces femmes victimes de violences qui ont le courage de partager les leurs. Je souhaite ici, par mes maux et mes mots, leur livrer le témoignage de ma sincère empathie. Je vous admire, je vous embrasse, je vous remercie, je vous applaudis. Bravo et merci à vous, femmes capables d’exposer vos moments de vulnérabilité. Pour vous soulager, pour tenter une ultime fois de vous sauver, pour discréditer les coupables, pour qu’on vous comprenne, qu’on vous entende enfin… En dénonçant l’inacceptable, ce que vous faites vraiment, c’est nous rassurer, nous qui ne parlerons jamais vraiment, nous qui n’oserons jamais mettre des mots sur nos maux. Grâce à vous nous savons maintenant que nous avions raison de penser que c’était mal et pas normal. Arrêtons de minimiser, les coupables oublient, c’est pour ça aussi qu’il est si difficile de revenir sur le passé.

 

Alors au présent et à nous toutes, femmes victimes de violences, quelles qu’elles soient, n’oublions jamais qu’une fleur de lotus délicate, forte et élégante, naît toujours douloureusement dans des étangs boueux et nauséabonds. Emportée par l’eau, elle doit suivre le courant, résister aux tempêtes, se plier aux vagues avant de pouvoir fleurir le jour, sortant enfin la tête de l’eau pour devenir la plus belle des fleurs et le plus sincère des cœurs.

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Sarah Lelouch

Pardon… Je suis désolée, oui je sais je t’ai blessé, pardon…

J’ai dit pardon ! Alors je m’excuse, c’est de ma faute, je sais…

Je sais que sans toi je ne serais rien, je sais, merci…

J’ai dit merci, je ne peux pas te dire merci tous les jours…

Merci et pardon et merci alors… et pardon…

 

Voici les deux mots que j’ai prononcés le plus souvent à tes côtés.

Voici ce que j’étais, une jeune femme reconnaissante qui s’excusait d’être là.

Tu m’as tout donné de toi et tout enlevé de moi. Sans toi je ne suis rien, c’est ce que tu disais.

Sans toi, je ne serais pas où j’en suis, sans toi je n’aurais pas de travail, pas de talent, pas de vie.

 

Avant toi j’étais sûre de moi, avant toi j’avais confiance en la vie, avant toi je m’aimais.

Ton amour pour moi m’a enlevé l’estime que j’avais de moi, c’était il y a longtemps tout ça, mais grâce à toi, j’ai compris une chose : certaines phrases sont comme des brûlures, elles laissent une cicatrice à vie et se ravivent même après des années.

Finalement tu auras été une sorte de zona dans ma vie. Inconfortable, moche, qui revient sans arrêt et qui se réveille au moindre stress.

D’ailleurs, mon zona, je l’ai soigné aux huiles essentielles et je me demande s’il existe des huiles pour faire disparaître les personnes nocives comme toi ? Dis-moi, qu’est-ce qu’il faut pour te faire disparaître ? Ça fait dix ans maintenant et mon cœur se serre encore lorsque je crois entendre ta voix, je me sens coupable pour rien, je tremble dans la rue lorsque je vois une personne qui marche comme toi, j’entends tes mots dans ma tête qui me disent que je n’y arriverai pas, que je suis grosse, que je ne sais pas écrire, que je n’ai pas de talent, que je suis moche, dis-moi qu’est-ce qu’il faut faire pour que ça s’arrête ? Qu’est-ce qu’il faut pour que tes mots s’effacent ?

 

Il paraît que pour enlever les mauvais souvenirs il faut en créer des nouveaux, des beaux.

Alors voici ce que je fais pour oublier tes mots, je m’en dis des nouveaux, des mots que je n’avais jamais dits :

Je me pardonne, je m’aime, merci à moi.

Je me pardonne d’être tombée dans tes bras, je me pardonne d’avoir cru en toi, je me pardonne de m’être laissé traiter ainsi. Je me remercie d’avoir pu m’échapper de toi, je me remercie de m’être relevée après que tu m’as mise à terre, je me remercie d’avoir retrouvé le sourire, je me remercie d’avoir eu la force de sécher mes larmes et d’aimer à nouveau.

Pardon et merci à MOI.

 

À toutes les femmes sous emprise, rabaissées, humiliées, maltraitées : relevez la tête.

Ne prononcez plus jamais les mots pardon et merci si vous ne le pensez pas.

Vous êtes magnifiques et un jour, vos maux se transformeront en ces mots :

JE NE M’EXCUSERAI PLUS JAMAIS D’ÊTRE QUI JE SUIS.

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Charlotte Gabris

Elles étaient jeunes, elles étaient belles, elles ont été rouées de coups par leur compagnon, assassinées à l’arme blanche, avec un couteau de boucher ou un marteau, parfois sous les yeux de leurs enfants.

 

Elles n’en pouvaient plus des injures, des gifles et des viols. Elles voulaient être libres. Elles sont mortes, victimes de féminicides. Plus d’une centaine en un an. Elles étaient menacées, elles avaient peur. Personne n’a rien dit ; les voisins qui entendaient leurs cris se sont tus.

 

Certaines s’étaient réfugiées dans un centre d’accueil, mais l’homme les attendait, guettant sa proie, pour l’achever.

 

Plus jamais ça ! Comme disait Eva Darlan : « Combien de mortes vous faudra-t-il encore ? ». Agissez vite, on meurt !

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Emmanuelle de Boysson

Pour avoir systématiquement sous-estimé la gravité des violences domestiques, nos sociétés ont non seulement maintenu en danger de mort quotidien les intimes des auteurs, mais aussi gravement échoué à prévenir de nombreux autres crimes, jusqu’à des crimes de masse, largement prévisibles. Car ce qui caractérise un auteur de violence conjugale c’est la volonté d’emprise, de pouvoir sur les autres, l’intolérance à la frustration et surtout un cercle vicieux qui ne connaît pas d’autre limite, si rien n’est fait pour l’arrêter, que l’accomplissement de la violence, le passage à l’acte.

 

Il est plus que temps que nos sociétés acceptent d’allumer en grand les lumières sur ce qui se passe dans les chambres à coucher. Intimité ne doit plus rimer avec invisibilité, et encore moins avec impunité.

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Najat Vallaud-Belkacem

J’aime ton odeur j’aime ta peau,

Tes bras si forts qui m’étreignent,

J’aime ton souffle j’aime tes mots,

Qui cognent mon cœur rouge ébène,

 

J’aime dans ta voix, ton vibrato,

Qui dans un souffle alors m’emmène,

Là où ne coule plus alors l’eau,

Là où de tous je suis ta reine,

 

Tu m’aimes oui, parfois de trop,

Quand un peu fort tes mains me tiennent,

Quand ta voix sourde se fait ciseaux,

Quand tes poings cognent alors ta haine,

 

Je t’aime mais les bleus sur ma peau,

Mes larmes qui à mon sang se mêlent,

Je t’aime mais quand tu es bourreau,

De ta violence je suis bien reine,

 

Peut-être bien qu’on s’aime trop,

Peut-être, sûrement, mes yeux s’abstiennent,

De voir à travers mes maux,

Que l’amour n’est pas le problème.

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Solène Hébert

Janvier 2009. J’ai vingt-cinq ans et je publie mon premier livre, Lieutenante. J’y parle de la condition des femmes, à travers le récit de mon expérience dans l’armée comme jeune officier volontaire, dans une unité à 98 % masculine. J’y raconte mon quotidien. Des choses intéressantes et des choses plus problématiques. Une expérience intense, de l’humour, de la camaraderie, une école qui apprend à se débrouiller comme nulle part ailleurs. Mais aussi un sexisme ordinaire. Des remarques déplacées, des montages faits avec ma photo sur des scènes pornographiques. Des éclats de rire qui m’accompagnent un peu partout. Des rumeurs incessantes sur ma sexualité. Rien n’est exceptionnel dans ce récit, parce que ces événements sont vécus par bien des femmes, partout, dans tous les milieux. Mais ce livre, paru il y a douze ans maintenant, avait été le premier témoignage d’une femme militaire française sur des violences sexistes et sexuelles vécues au sein de l’armée.  Je me souviens que la presse avait été au rendez-vous dès la publication. Les articles des journaux, des magazines, des blogs sur mon livre et les interviews étaient globalement positifs, mais suscitaient souvent des commentaires de lecteurs très virulents. « On ne devrait jamais laisser une femme foutre les pieds dans l’armée, ça ne crée que des emmerdes, la preuve. » J’avais eu droit aussi à des commentaires du genre : « Cette pauvre fille est une mythomane, elle veut simplement faire parler d’elle ». Ou encore : « Qu’est-ce que tu croyais ? Que l’armée serait un paradis pour la petite bourgeoise que tu es ? » Un blog anonyme avait publié une pseudo-critique de mon livre, un ramassis d’insultes, qui apparaissait en première page des recherches que l’on trouvait si l’on tapait mon nom sur Internet. J’avais reçu un mail d’un lecteur qui s’interrogeait ainsi : « Vous déplorez que les femmes soient considérées comme des êtres faibles, comme des victimes, mais quelle image croyez-vous donner d’elles en vous plaignant de la sorte ? » 

Là est tout le problème, je crois, des mots que peuvent mettre les femmes sur leurs maux. Pour sortir de leur statut de victimes, elles ne peuvent que parler, c’est la première chose à faire : donner à voir ce qu’elles vivent, de quelle façon elles le ressentent. Mais c’est en parlant qu’elles deviennent des victimes aux yeux de tous les autres. Paradoxalement, alors que je m’étais plutôt remise de mon vécu, que j’avais plus ou moins digéré mon expérience, le fait d’écrire un livre, d’être interviewée, de devoir répondre à des questions de lecteurs, de devoir ressasser mon histoire encore et encore, tout cela m’avait plongée pendant plusieurs mois dans un état quasi dépressif. 

Des années plus tard, en 2014, lors de la sortie d’un livre de deux journalistes sur les violences sexuelles dans l’armée, La Guerre invisible, j’avais de nouveau témoigné de mon expérience par écrit et sur les plateaux de télévision. Comme mon témoignage était cette fois conforté par des dizaines d’autres émanant de femmes militaires ayant vécu les mêmes choses, on osait beaucoup moins me traiter de folle ou de mythomane. Je me souviens que j’avais pensé, à l’époque, qu’il fallait apparemment beaucoup de témoignages de femmes pour valoir celui d’un seul homme. Mon expérience de parole publique, moins pénible, avait encore une fois été mitigée. J’avais, autant que faire se peut, tenté de sortir de la posture de victime qu’on m’avait tant reprochée. Je voulais montrer que les violences sexistes ou sexuelles étaient pénibles, mais qu’elles ne conduisaient pas nécessairement à une déchéance, qu’on pouvait s’en sortir. Pourtant, cette attitude-là m’avait aussi été reprochée ; un journaliste radio m’avait demandé de refaire une interview enregistrée, car je m’y montrais trop forte, trop distante, et qu’il était problématique que « je n’aie pas l’air d’être détruite ». 

Quelques années plus tard, encore, fin 2017, alors que le mouvement #BalanceTonPorc ou #Me Too prenaient peu à peu de l’ampleur, je n’ai pas réagi. L’affaire Weinstein et les centaines de femmes qu’un seul homme avait réussi à la fois à abuser et à faire taire sur une durée totale de trente ans ne m’avait que modérément étonnée. Mais je n’avais plus l’énergie de me confronter aux autres. Mon « action » sur les réseaux sociaux n’a consisté qu’en des « likes » approbateurs quant aux témoignages d’autres femmes, dans lesquels je ne pouvais que me reconnaître. Il me semblait que j’avais déjà fait ma part, que j’avais déjà soupé des reproches qu’on m’avait faits et des directives qu’on m’avait données. Tout ce que j’avais fait depuis près de dix ans, au fond, avait été de tenter de faire oublier le statut de victime dans lequel j’avais eu peur de m’enfermer. Je ne voulais pas d’ennuis. Et les ennuis sont nombreux lorsqu’on parle. Je vois des femmes se faire violence pour témoigner, être abandonnées par leurs amis, s’isoler, se ruiner en procédures judiciaires, pour perdre leur procès et être condamnées en diffamation. Je vois des hommes à des postes importants, accusés de viol, qui n’auraient jamais pu prétendre à de tels postes s’ils avaient été accusés d’un quelconque délit financier. Je ne dis pas que je suis totalement découragée, mais je dois dire que je le suis un peu. Je ne dis pas que la parole des femmes ne sert à rien, je dis qu’elle n’a pas assez de poids. Je ne dis pas que je ne parlerai plus jamais des violences faites aux femmes, je dis que je cherche toujours, avec acharnement, le meilleur moyen d’en parler.

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Marine Baron

ans cette société où la violence a trouvé sa place, les souffrances physiques et psychologiques sont devenues presque ordinaires. Les mots… et les maux s’enchaînent sur les antennes, sur les ondes, sur les écrans d’une manière pernicieuse, intrusive dans nos vies, et trouvent sûrement des émules avides de sensations négatives et destructrices.

 

Cette agressivité ambiante nous laisse sans voix et sans mots quand nous apprenons par les mêmes vecteurs les féminicides qui se succèdent et s’enchaînent sans que l’on n’y puisse rien, qui nous laissent abasourdis, impuissants !

 

Quand est-ce que les mots se transformeront en actes pour éradiquer ces maux ignobles, subis par des victimes innocentes qui laissent des orphelins…

 

Assez !!! L’amour existe. Demandez au Petit Prince.

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Marie-Christine Adam

Eschyle, le plus ancien des tragiques grecs, écrivait, il y a vingt-cinq siècles, dans Agamemnon : « La violence a coutume d’engendrer la violence ».

 

2 500 ans plus tard, cette préscience se confirme, hélas, à l’endroit de la femme. Jour après jour, celles-ci, femmes, subissent des violences, sous des formes très variées, parce qu’elles sont femmes. Ainsi, « 86 % des Françaises ont été victimes d’au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue au cours de leur vie » selon la récente enquête « Les femmes face aux violences sexuelles et le harcèlement dans la rue ».

 

Loin d’être isolé, ce phénomène de violence est mondial. Les très nombreuses études le révèlent et quantifient ces faits. À cet égard, un chiffre suffit pour prendre conscience de l’ampleur du problème : un tiers des femmes a subi ou subira des agressions d’ordre physique ou sexuel dans sa vie.

 

Cette réalité accablante prend corps avec les révélations courageuses, douloureuses, de nombreuses femmes, sur tous les continents, sur ces violences à travers une importante et nécessaire médiatisation, au cours des dernières années, via les réseaux sociaux, la presse nationale et internationale mais aussi par des évènements moins visibles mais tout aussi importants : les actions en justice.

 

Une grande difficulté posée par ce problème est de savoir en quoi consiste la violence. Elle ne peut être résumée aux actes les plus graves, les plus répréhensibles, que notre humanité conteste.

Comme le rappelle le Larousse, la violence est le « caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, brutale et souvent destructrice », elle ne peut donc répondre à une situation particulière, avec une acceptation spécifique, et de fait à une solution ciblée.

Au contraire, la violence est bien plus que cela : elle est plurielle, pernicieuse, répandue, camouflée, polymorphique et fourbe.

Elle est physique, sexuelle, verbale, domestique, psychologique, psychique, culturelle, partout où l’être humain interagit avec autrui.

Omniprésente, elle désigne un viol, un propos dégradant quel qu’il soit, une menace, l’oppression, la mutilation génitale, l’emprise, la violence économique, la violence domestique, le harcèlement ou encore l’agression sexuelle.

                                              

Et son auteur peut être tout autant difficile à identifier tant les réalités sont nombreuses et difficiles.

 

En ce début de vingt-et-unième siècle, la grande question qui est posée à notre humanité est : 

 

« Quelle société voulons-nous ? »

 

Celle où la femme craint pour sa vie ou celle où l’être violent n’a pour choix que d’évoluer et de ne plus l’être ?

 

C’est par l’écoute, par le dialogue, par le respect, mais aussi par une action déterminée, ferme et assumée que les lignes évolueront.

 

La réponse à un problème mondial doit se faire à grande échelle.

La première étape doit être celle de la prise de conscience. Nous progressons jour après jour, grâce aux campagnes de sensibilisation, aux communications répétées sur les réseaux sociaux, dans la presse ou aux affichages pédagogiques permettant d’alerter. Collectivement cette prise de conscience doit être lucide, exigeante sans tomber dans les travers de certains qui ont une logique vengeresse.

La deuxième étape doit être celle de la « riposte ». Elle ne doit être ni excessive, ni insuffisante. Elle doit répondre au noble mot de justice, à l’égard des victimes en premier lieu, de l’Homme en second lieu, car toute atteinte à autrui est une atteinte à l’humanité.

La troisième réponse doit enfin être celle de la société du futur que nous souhaitons. Celle où chacun a sa place, où la violence n’a de choix d’inspirer que l’épouvante et le dégoût.

 

Si beaucoup a d’ores et déjà été fait, il reste beaucoup à faire.

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Laurence Trastour-Isnart

La violence vit dans le manque d’amour, fait taire les enfants, brise la mère, colore la vie en gris, parfois en bleus. Elle plane le jour et surprend la nuit. Elle est cris, parfois coups. Humilie, tout le temps. Elle s’oublie quand on rit mais ne s’arrête que si nous lui disons STOP.

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Elodie Yung

La domination patriarcale, de l’homme, du chef de famille, du père, s’est perpétuée à travers les siècles en privilégiant les garçons et avec des textes de loi écrits par des hommes et donc majoritairement favorables aux hommes. En parallèle, ces mêmes hommes enfermaient volontairement les femmes dans deux schémas bien caractérisés : celui de la mère, un être faible et incapable de décisions, devant s’affairer à la tenue du foyer, et celui de la femme-objet ; objet de désir sexuel, l’amante, la prostituée, la putain.

Nicolas de Condorcet, grand défenseur des minorités et donc du droit des femmes, l’écrivait déjà en 1790 : « Tous n’ont-ils pas violé le principe de l’égalité des droits, en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes ! ». Il a été retrouvé mort dans sa cellule le lendemain de son arrestation…

Aujourd’hui, on viole encore ces droits, on les empêche plus ou moins partout dans le monde, juste parce que les femmes sont du genre féminin. Ces hommes veulent tout dompter, les êtres comme la nature… on voit le résultat !

La fin d’une domination masculine, dans son ensemble, verrait sans doute la fin des violences envers les femmes, mais aussi envers tous les êtres, hommes compris, et minorités, car la domination et le pouvoir sont la racine même de la violence. Alors, on peut se poser la question : qu’en adviendrait-il de ces hommes s’ils décidaient d’abandonner cette domination ? De quoi ont-ils peur ?

Les avancées en droits et en égalités se sont inscrites sur un temps assez court au regard des millénaires de cette domination, grâce aux mouvements de femmes et au soutien de certains hommes. C’est bien ensemble, femmes et hommes, que nous devons avancer sur ce chemin de la non-violence, pour mettre fin à toutes ces discriminations qui n’ont pas de réel fondement. Oui, les gouvernements, la justice, et la société même ne se donnent pas tous les moyens pour rétablir et équilibrer la balance des droits et des libertés ; l’inégalité des salaires pour les mêmes compétences en est une preuve flagrante, alors que beaucoup de choses s’inscrivent aussi avec l’autonomie financière.

L’utilisation de la violence au profit d’un pouvoir, quel qu’il soit, est l’apanage des faibles d’esprit qui ont peur de perdre quelque chose, croient-ils ! À partir de quoi, nous savons depuis longtemps qui sont les faibles.

Rien ne doit venir mettre un frein au choix de vie des femmes et à tous les niveaux, sexuel compris, ni à leur vie professionnelle et surtout pas la maternité, source même de vie.

En France, les nouveaux schémas familiaux bouleversent nos conditions à tous et ont renversé définitivement le « chef de famille » (depuis 1970 aux yeux de la loi en partageant l’autorité parentale). Ce sont les filles qui réussissent le mieux à l’école, les femmes font de grandes études, elles élèvent seules leurs enfants, ce sont elles qui demandent le plus le divorce, etc. Sommes-nous à un carrefour où l’homme va devoir prendre une nouvelle place ? Peut-être sa réelle place finalement, de père et d’homme présent, aimant, attentif, sans toute puissance, et donc d’homme respectueux. En cela, je crois beaucoup dans les nouvelles générations, celles de nos enfants et petits-enfants, car nous avons été et nous sommes là pour ouvrir ce chemin.

Pour travailler sur ce sujet depuis plus de 10 ans, avoir fait témoigner et suivi des dizaines de femmes victimes de violences conjugales, mais aussi de violences sexuelles, je peux dire que nous connaissons depuis longtemps maintenant tout le cercle vicieux de l’emprise des bourreaux et de l’engrenage de cette violence qui va jusqu’à tuer. Car ce couple complexe, où la violence règne en maître, se construit non pas sur une illusion, mais avec des illusions. Tandis que cet homme est incapable d’aimer, souvent du fait de sa propre histoire, cette femme aime vraiment et cherche à comprendre, à réparer, en vain. Elle devient, par transfert, l’exutoire d’une souffrance.

Si nous voulons changer les choses, aux côtés des avancées politiques et de soin, il faut instaurer de la bienveillance dans l’éducation, effacer les stéréotypes, ne plus faire croire que les filles sont moins ceci ou cela, reconnaître la sensibilité et la fragilité de chacun, des hommes aussi, et ne pas en faire quelque chose de négatif, tout autant que les forces de chacun, des femmes aussi. Le père comme la mère ont une responsabilité dans cette éducation.

Je veux saluer toutes ces femmes qui ne cherchent ni la vengeance ni le pouvoir, je veux saluer leur courage, leur humanité, leur véritable force, leur grande volonté, leur belle dignité car, même si certaines ont vécu l’impensable, ce sont toujours elles les « gagnantes », ce sont toujours elles qui avancent du côté de la vie.

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Nathalie Cougny

En tant que marraine du collectif Mots et Maux de femmes, je pense avec émotion, tristesse et souffrance à toutes ces femmes violentées dans leur quotidien, maltraitées, parfois violées et même tuées.

 

Car la violence est un mal qui casse le corps, battu et maltraité.

Car la violence est un mal qui détruit l’esprit, anéantit la pensée, enferme dans la peur et l’angoisse, terrasse la confiance et l’estime de soi, verrouille le cœur.

Car la violence entrave chaque cellule, ravage l’âme, anéantit le goût et la possibilité de vivre, la force et l’énergie de continuer à se battre, l’amour de soi, des autres et de la vie.

Car la violence brise la vie, la famille, les enfants.

 

Oui, la violence détruit méticuleusement tout sur son passage.

 

La violence physique se voit, fracasse et mutile.

La violence morale ronge et détruit un peu plus chaque jour, les mots brutaux deviennent insultes, puis sévices, mots qui ravagent de l’intérieur comme de l’extérieur pour faire de la victime une boue informe, isolée du monde, qui ne peut plus lutter mais juste se détester.

 

La violence ouvre bien la porte à un autre monde dont il est si difficile de sortir même avec le temps, un monde où les rires légers et les joies du monde n’ont plus de place depuis longtemps, un monde où l’innocence de l’enfant est blessée à jamais, un monde où la beauté s’est fanée et le ciel s’est à jamais terni, un monde où la dignité s’est évanouie, un monde où la honte s’est imposée dans la peur, les cris et les pleurs, dans les suffocations et les coups douloureux, dans l’inquiétude permanente et l’habitude de se cacher pour se protéger.

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Béatrice Bissara

Il l’appelait Poupée

C’est comme ça qu’elle est née… Dans ses bras

 

Elle aimait qu’il la dépose

Qu’importe la pose… Dans de beaux draps

 

Quand glissaient ses bretelles

S’emmêlaient ses cheveux

Mon Dieu qu’elle était belle

Et mieux… Elle était la plus belle

 

Elle lui disait

Joue, joue avec moi, joue

Joue avec moi… C’est d’accord

Joue, joue avec moi, joue

Doucement d’abord, allez joue

 

Quand on est une poupée

On ne doit pas s’abîmer… Pas s’enfuir

 

Mais dans ses yeux gris-vert

Maquillés de désir… On pouvait lire l’hiver

 

Quand il serrait trop fort

Que les traces sur son corps

Lui gâchaient le plaisir

Alors… Elle s’entendait lui dire

 

Joue, joue avec moi, joue

Joue avec moi… J’adore quand tu joues

Joue avec moi, joue

Et que tu t’endors sur ma joue

Allez joue, avec moi joue

Joue avec moi… Sans remords

Joue avec moi, joue

Un petit peu encore

Vas-y joue

Joue

Il l’appelait Poupée

Et c’est comme ça qu’elle s’est… Cassée

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Emma Daumas

J’étais au parc avec ma fille de 8 ans et cinq de ses copines. Le CE2, la belle vie, l’insouciance.

Une belle journée, ensoleillée, on joue avec des pistolets à eau.

Mon téléphone sonne.

C’est une amie chère, 48 ans.

Elle vient de subir une agression sexuelle. Un viol, pour parler plus clairement.

Après une longue et douloureuse conversation, je raccroche.

Je regarde ces petites filles.

1 femme sur 3 se fera violer au cours de sa vie.

Oui, on peut discuter des chiffres, de la nature de l’agression, on peut discuter de tout, évidemment…

Mais 2 filles sur ces 6 qui jouent devant moi se feront agresser sexuellement au cours de leur vie.

Je frémis et je reprends mon pistolet à eau. 

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Elise Berthelier

Je suis une femme,

et je n’ai jamais subi de violence physique ou psychologique.

Je suis une femme,

et j’ai peur de rentrer trop tard chez moi en transports en commun.

Je suis une femme,

et j’ai appris à marcher vite,

la tête baissée en évitant les regards quand je suis seule à la tombée de la nuit.

 

Je suis une femme,

et mon cœur s’emballe quand un homme s’assoit à côté de moi.

Je suis une femme,

et si je porte une jupe, je vais devoir accepter les réflexions et les regards gênants.

 

Je suis une femme et je me sens vulnérable.

 

Mais je suis une femme de 2020 et j’en suis fière.

Je suis une femme et je vois que les choses bougent.

Je suis une femme et je veux me sentir forte.

Je suis une femme et je peux devenir qui je veux.

Je suis une femme et j’ai des convictions.

Je suis une femme et je suis solidaire.

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Audrey Adiceom

Nous sommes tous différents, Femmes et Hommes, mais nous sommes complémentaires, et il faut apprendre à vivre ensemble, avec beaucoup d’Amour et sans violence, cela impose des concessions de part et d’autre.

Il faut que l’Homme accepte de voir que la Femme évolue et a évolué depuis 50 ans, que nous avons chacun des qualités, mais que nous sommes dans l’ère du changement :

– explosion du couple et remodelage de la famille, la Femme n’est plus le serviteur de l’Homme, ni sa propriété ;

– travail de la femme, à l’extérieur de la maison ;

– répartition différente des charges, à l’intérieur de la cellule familiale, car la Femme est moins à la maison.

 

Et voici venu le temps du partage et de l’égalité des chances :

– partage des tâches de la maison, ménagères, de la cuisine, de la préparation des repas, des courses ;

– partage du temps pour les enfants et leur éducation ;

– partage des salaires pour la cellule familiale.

 

Par la Violence, on n’arrive à rien, qu’à faire peur.

Par la Haine, on n’arrive à rien, qu’à se détester.

Par le Mutisme, on n’arrive à rien, qu’à se déchirer.

 

Communiquons plus et parlons-nous, avec le cœur et avec des mots, mais pas avec des gestes,

pour ne pas subir,

pour ne plus souffrir en silence,

pour dire,

pour parler,

pour pouvoir faire,

pour rire, et vivre… tout simplement.

Sans peur, sans haine, sans violence,

ne les laissez pas nous traiter ainsi, nous sommes tout simplement des êtres humains !!!

« Le Mal ne doit pas être conjugué au Féminin (Mâle). »

 « Le Mâle ne doit pas être synonyme de Mal. »

Texte : Dr. Sabine BOSCHMANS

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Annie Desvignes

Puisque cette blessure nous a représentés

Et que ton empreinte restera gravée sur mon visage

Elle me rappellera le souvenir fou

D’un amour sans espoir

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Alison Cossenet

Mots et maux…

Attention, certains mots sont de véritables blessures ; ceux qui humilient, qui dénigrent, qui mésestiment et méprisent. Trop souvent les mots sont lâchés, répétés… Bien sûr, aucune violence physique ! Mais les plaies psychologiques sont parfois profondes – le mot méchant est de ces maux… « le cyclisme féminin, c’est moche ! » (les dires d’un professionnel homme).

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Jeannie Longo